Certes, ce n’est pas un scoop, il y a de moins en moins de fidèles pratiquants. L’évolution démographique de la ville ne les a pas beaucoup aidé non plus. Le centre-ville est environ trois fois moins peuplé qu’à l’époque de la construction de l’édifice. [1] De fait, ces lieux sont souvent surdimensionnés par rapport aux communautés qui les fréquentent. Mais églises se réduisent-elles à leur fonction utilitaire de lieu de culte ?
Le vicariat de Bruxelles (l’évêché) prétend avoir mené une « vaste réflexion », qui l’aurait amené à bazarder l’un de ses fleurons historiques. Sainte-Catherine engendre des frais d’entretien et de restauration qui pèsent sur les paroisses, mais aussi sur les pouvoirs publics. « On a un devoir de citoyen », déclare sans rire le chargé de communication. On ne savait pas qu’une église se devait d’être rentable. Grâce au vicariat de Bruxelles, on le sait désormais. C’est la ville de Bruxelles qui est propriétaire des bâtiments. Philippe Close, échevin du Tourisme, jamais en retard d’un gadget de marketing urbain, envisage d’y implanter un marché couvert : « Historiquement, tout le quartier Sainte-Catherine est le ventre de Bruxelles. On a vu des reconversions, notamment de lieux de culte, assez intéressantes de par le monde. Celle-là pourrait à la fois conserver le côté patrimonial, mais aussi renforcer l’attractivité du quartier. » Des potimarrons et des courgettes, c’est tout de même plus sexy que la gueule en plâtre de saint Eustache.
Rien n’est encore décidé pour la réaffectation, mais comme le bâtiment est classé, on peut au moins espérer que l’édifice ne deviendra pas un parking – ce qui serait sûrement très rentable. Quoi que devienne Sainte-Catherine, il y aura des frais de restauration, d’autant plus importants que la réaffectation sera éloignée de sa destination d’origine. Il faut donc traduire l’argument des « frais » pour la collectivité en « manque à gagner » d’un lieu qui n’est pas encore transformé en machine à rentes. Et quel intérêt la collectivité bruxelloise tirera, financièrement, de ce que quelques privés viennent vendre leurs légumes, on se le demande.
En attendant, la communauté orthodoxe abritée dans l’église depuis une dizaine d’années va pouvoir décamper. Le père Georges Palade a quelques idées à souffler à l’échevin : « Si on transforme une église en marché, pourquoi ne pas transformer les cimetières en discothèques et la Colonne du Congrès en lieu de bodyjumping ! » L’élite scabinale se penche sur ses judicieuses propositions. Les « Amis de Sainte-Catherine », le comité de défense de l’église, ne trouve pas de son goût de devoir aller secouer ses ostensoirs ailleurs. Une pétition circule, qui a déjà réuni plus de 7500 signatures. Mais depuis le 1er janvier, les chrétiens catholiques ont été refoulés à la paroisse des Riches-Claires. Pour les orthodoxes roumains, des discussions sont visiblement en cours mais aucun lieu n’a encore été trouvé pour les accueillir. Sainte-Catherine est désormais prête à accueillir les marchands du temple.