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4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 17:12

>>> cliquer sur l'image pour avoir l'ambiance du Night-Club Spirito-Martini à Ixelles - rue de Stassart 18

 

Article publié dans le journal LE SOIR du 20 janvier 2011

 

Dieu se fait DJ, barman, groom...

n.c.

Page 18

Jeudi 20 janvier 2011

Délaissées, chères à l’entretien, les églises belges se transforment de plus en plus en hôtels, restos, centres culturels... Pas toujours sans mal.

Souvenez-vous de cette danse lascive entre Sharon Stone et Michael Douglas dans un club de San Francisco, scène mythique du film Basic Instinct. Si vous observez avec attention l’architecture du night-club, vous remarquerez qu’il s’agit en fait… d’une église. Une boîte de nuit dans une église, une initiative largement inspirée du Limelight de New-York. Un club qui n’aura d’ailleurs pas donné des idées qu’à Paul Verhoeven puisque Francesco Ravo a voulu importer le principe en Belgique. Résultat, il y a un an s’ouvrait le Spirito Martini dans la Church of Resurrection de la commune bruxelloise d’Ixelles. Combinaison détonante de plaisir spirituel en façade et de plaisirs gustatif et corporel en son intérieur.

Les murs de cette ancienne église anglicane située porte de Namur ne résonnent plus aux homélies d’un prêtre depuis près de 40 ans et sa désacralisation, mais bien aux sonorités beaucoup moins évangéliques d’un quelconque DJ. Bien moins liturgiques que les ondes d’un orgue, ces quelques notes rendent néanmoins vie à une bâtisse vouée à la démolition. Un projet original dans son aboutissement qui n’a souffert aucune contestation. Il ne s’agit bien évidemment pas du premier cas de réorientation de la fonction d’une église en Belgique, néanmoins ce débat se pose plus que jamais à l’heure actuelle.

Le Nord est

à l’avant-garde

Les Pays-Bas sont des précurseurs en la matière puisqu’ils reconvertissent des églises depuis les années 60. Chez nous, l’idée fait son chemin surtout au nord du pays. Roel De Ridder, chercheur au département d’architecture de la Haute École provinciale du Limbourg (PHL), travaille sur la réhabilitation d’églises non classées. Un projet qui se base sur un postulat très simple : « Une église paroissiale est un espace qui fait légalement partie intégrante du domaine public, et c’est dans cette optique que nous voulons garder les églises publiques. »

« Pur slogan, dit-on du côté d’Olivier Fröhlich, vicaire général de l’évêché de Tournai, car les églises sont ouvertes en semaine. Beaucoup d’églises sont encore pleines le dimanche et il y a aussi du passage chaque jour de la semaine. Il s’agit de conserver un endroit de paix. »

Toutefois, l’axiome de notre architecte se voit crédibilisé du point de vue populaire par une double crise : d’un côté, une foi catholique en baisse dans le royaume ; de l’autre, le marasme économique en vigueur depuis 2008.

Soyons clairs, l’amorce d’une demande de réaffectation est toujours financière : le nombre de mètres cubes à entretenir est énorme comparé aux moyens mis à disposition et à son usage quotidien. Gaspillage ? « Non, dit-on du côté de l’Eglise. Rappelons que cet argent ne représente que 1 % du budget communal. »

Mais cette chimère bicéphale justifie-t-elle toute implantation profane dans un lieu consacré ?

Plusieurs critères rentrent en ligne de compte : selon que l’édifice soit paroissial ou appartienne à une communauté religieuse ; que le bâtiment soit classé ou non ; selon enfin que sa valeur patrimoniale soit élevée ou non.

Si les communautés religieuses agissent comme bon leur semble vis-à-vis de leurs biens, ce n’est pas le cas des églises paroissiales appartenant aux communes et aux fabriques d’église. Le problème se pose différemment et le nombre d’acteurs est plus important : les usagers, les propriétaires, l’institut régional du patrimoine, l’évêché…

En novembre 2009, Gianfranco Ravasi, président du conseil pontifical pour la culture, se voulait très évasif sur le sujet : « Les églises dépourvues de fidèles et n’ayant aucune valeur artistique peuvent être vendues ou démolies, mais ne peuvent être transformées en night-club ! » Autrement dit, plutôt détruire le patrimoine que de voir Bacchus être célébré dans une nef catholique.

Qu’est-il permis ? A quelles conditions ?

Il n’y a légalement aucun projet prohibé. Ainsi, une maison close avec le chœur et son autel comme chambre la plus luxueuse n’est pas à exclure. Néanmoins, malgré la crise confessionnelle, la prérogative canonique est primordiale en cas de désignation d’une réaffectation. Christian Kremer, chef du service des fabriques d’églises de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles, explique ainsi que l’Eglise de Belgique favorise la désacralisation partielle d’un lieu de culte afin d’y combiner une autre activité. Il détaille la hiérarchie des réorientations de la sorte : « La priorité va, si possible, à la pratique d’un autre culte. » Exemple avec l’église Notre-Dame Médiatrice, à Molenbeek, où l’Eglise serbe orthodoxe profite d’un bail à long terme. « Viennent ensuite les projets sociocaritatifs, enfin, le 3e point met en valeur les logements moyens. » Et quand on voit le nombre de sans-papiers qui trouvent refuge, chaque année, l’espace de l’une ou l’autre nuit dans un édifice religieux (comme ce fut d’ailleurs le cas début décembre dans l’église Sainte-Suzanne de Schaerbeek), les deux dernières priorités ne seraient sans doute que justice.

L’activité mercantile n’est, quant à elle, pas chassée du temple, comme peuvent le prouver de multiples exemples (voir notre encadré). Inutile de dire que toutes les reconversions connues ne font, inévitablement, pas plaisir au sein de la hiérarchie ecclésiastique. « Voir que l’autel est toujours présent dans la salle de restaurant du Martin’s Patershof, à Malines, me dérange personnellement, explique Olivier Fröhlich, mais nous ne pouvons rien y faire [le site ayant appartenu à une communauté et non à une paroisse]. Normalement lors de la désacralisation d’un édifice religieux, nous exigeons que tous les objets de culte soient redirigés vers des églises qui en ont besoin. »

Les églises, nouveaux centres communaux

Et c’est ici qu’intervient Roel De Ridder et son projet qui prévoit un certain type de cohabitation : « Nous travaillons sur une hypothèse basée sur trois pôles : la fonction spirituelle, celle d’habitat et enfin des fonctions publiques. Ainsi l’habitat donnerait un visage humain à une église. Une petite communauté installée dans une église pourrait s’occuper de l’entretien du bâtiment ainsi que de l’organisation des autres fonctions. De plus, il y aurait toujours un point de rencontre possible. »

Principales intéressées, les autorités ecclésiastiques ne se montrent pas aussi réfractaires que d’aucuns auraient pu s’y attendre. Mais comme l’explique Christian Kremer, elles ne sont pas les seules : « Les institutions en charge du patrimoine sont parfois plus promptes à restreindre les possibilités. Ce fut notamment le cas de l’église Sainte-Catherine de Bruxelles où les Monuments et Sites de la région bruxelloise ont suspendu le processus de réaménagement. »

Un ménage à trois pourrait donc être la clé du futur de ces édifices. Et ce, tant pour l’Eglise que pour les communes, les principaux cochons payeurs.

Tout au contraire, en Angleterre, dans le Shropshire, c’est le site d’un ancien night-club qui a été transformé en église. En Belgique, on en est bien loin.

Qui paye quoi ? Historiquement, le décret impérial du 30 décembre 1809 oblige l’État à créer des fabriques

Qui paye quoi ?

Historiquement, le décret impérial du 30 décembre 1809 oblige l’État à créer des fabriques d’églises. L’article 92 stipule les charges des communes comme suit : « Suppléer à l’insuffisance des revenus de la fabrique […] ; fournir aux grosses réparations des édifices consacrés au culte. » Une législation archaïque revue en 2001, permettant aux Régions d’organiser le patrimoine et les finances des fabriques. Une nouvelle révision est à l’ordre du jour. En Wallonie, la réflexion sur la réaffectation des lieux de culte vient d’être lancée par le cabinet de Paul Furlan (PS), ministre des Pouvoirs locaux : « Aucune position définitive n’a été adoptée car beaucoup de principes sont en jeu : libertés constitutionnelles, droit de propriété, sacralisation des lieux de cultes…). » En Flandre, un décret de 2004 permet une planification pluriannuelle du budget alloué par la région aux fabriques d’églises. Mais cela a entraîné une lourdeur administrative et la réforme sera prolongée d’ici l’été prochain. Le vice-ministre président flamand, Geert Bourgeois, a mis sur pied un groupe de travail qui devra publier un livre blanc sur les futures affectations des bâtiments paroissiaux.

Les chiffres

42,5 millions : en euros, les dépenses ordinaires nettes des communes wallonnes pour la fonction Cultes et laïcité, soit 1 % des dépenses communales, soit 12,3 euros par habitant (avec des variations d‘une commune à l‘autre).

40 millions : en euros, les dépenses extraordinaires des communes pour travaux, soit 2,3 % du budget extraordinaire, soit 11,6 euros par habitant.

2.000 : le nombre de fabriques d‘églises en Wallonie avec une moyenne dépassant les sept églises par fabrique (certaines fabriques n‘ayant qu‘une église, d‘autres en ayant des dizaines).

1. 835 : le nombre d‘églises paroissiales en Flandre.

Comment on a transformé des lieux de culte catholiques en Belgique

En friterie à Tongres

L’église succursale de Munsterbilze, près de Tongres, a été réaffectée en une friterie il y a près de cinq ans. Lorsque la propriétaire, Heidi Wijffels, a racheté un bâtiment en 2003, elle n’avait alors pas idée qu’il s’agissait d’un édifice religieux. Si la croix est toujours bien sur la façade, la propriétaire n’ose pas afficher : « Ici, on ne sert pas de Jesus Burgers. »

En hôtel à Malines

En hôtel à Malines

Le Martin’s Patershof de Malines (hôtel 4 étoiles) : une église qui faisait partie du couvent des Frères mineurs de Malines. Les Franciscains ont quitté le couvent à la fin des années 1990, l’édifice fut alors désacralisé en 1999. En 2008, la chaîne d’hôtels reprit le bâtiment en main, évitant ainsi de le laisser à l’abandon.

En discothèque à Bruxelles

En discothèque à Bruxelles

Le Spirito Martini à Ixelles : Francesco Ravo a repris cette église anglicane désacralisée, y a injecté 2 millions d’euros pour en faire une salle mêlant restauration, discothèque et bar lounge. Le bâtiment avait d’abord appartenu aux magasins Sarma avant d’être racheté par la chaîne Hema.

En chambre d’hôte à Bellegem

En chambre d’hôte à Bellegem

C’est dans la chapelle néogothique et les restants du couvent des bonnes-sœurs de Saint-Joseph, sous la tour de l’église de Bellegem, à Courtrai, que Het Verloren Gedicht (Le poème perdu) propose ses chambres, de luxe. Deux chambres et une suite nuptiale avec jacuzzi dans la nef. Accès internet gratuit, télé écran plat et « surtout beaucoup de charme romantique ». Le petit-déjeuner est servi dans la petite salle aux anges...

En musée de la photo à Charleroi

En musée de la photo à Charleroi

C’est dans l’ancien carmel de Mont-sur-Marchienne que le Musée de la Photographie est né en 1987. C’est le plus vaste d’Europe (6.000 m2), qui mêle l’authenticité des lieux – le cloître, les voûtes, etc. – et la modernité, avec depuis 2008 une nouvelle aile à l’architecture futuriste. Une aubaine pour le visiteur des expositions : le calme, la sérénité et la luminosité qui baignent l’endroit renforcent le magnétisme des images.

En spa à Marche-en–Famenne

En spa à Marche-en–Famenne

Un restaurant-hôtel-centre de bien-être à Marche-en-Famenne : l’Hôtel du Quartier latin, qui s’y est installé dans une ancienne église jésuite datant du 18e siècle. A signaler, à Neder-over-Heembeek (Bruxelles) : l’église Saint-Nicolas et sa tour romane du 12e sont devenues le centre culturel de la ville. La restauration date de 1953, l’église ayant été désacralisée en 1932 après avoir été frappée par un éclair.

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