Un réseau national de pilleurs d'églises vient d'être démantelé dans le Pas-de-Calais. Après 7 mois d'enquête, de surveillance et de filatures dans le département mais aussi dans l'Orne, la Somme et la Normandie, la PJ de Lille et la sûreté publique d'Arras (Pas-de-Calais) ont mis la main sur les cinq chefs du trafic, qui ont avoué.
Écroués, ces hommes déjà connus des services de police pour des faits similaires sont mis en examen pour «association de malfaiteurs» et «vols commis en bande organisée», un crime passible de 15 ans de réclusion et de 150.000 euros d'amende. Une dizaine d'interpellations et gardes à vue ont eu lieu.
Un à deux cambriolages par semaine
Statues, candélabres, calices, encensoirs… les pilleurs écumaient les petites églises de campagne depuis des mois, mais aussi les monuments aux morts des municipalités, emportant symboles, ornements et coqs en bronze. Dès mai 2013, les enquêteurs soupçonnent un réseau très structuré. Les plaintes locales, émanant des mairies et des paroisses, se croisent avec «une inflation de vols similaires» observés à une plus grande échelle géographique par la Direction interrégionale de la Police judiciaire (DIPJ) de Lille. Les services d'enquête de Lille et d'Arras travaillent donc de concert pour mettre la main sur ce réseau, conformément aux préconisations du plan de lutte anti-cambriolage mis en place cette année par le ministre de l'Intérieur.
C'est pourquoi les enquêteurs n'ont retrouvé aucun objet lors des nombreuses perquisitions effectuées. «Preuve que la filière de revente est très bien rôdée, reprend le policier, son identification sera l'objet du deuxième volet de l'enquête. La première étape était de mettre fin aux cambriolages et à ce patrimoine qui s'envolait». Pour les seuls derniers mois, le montant du butin est estimé à plus de 40.000 euros. Mais selon le commissaire Caillat, le procureur de Béthune, qui a ouvert une information judiciaire, estimerait «incommensurables» le préjudice et le nombre de faits.«C'est une filière hyperactive, très organisée, très mobile et qui travaillait à flux tendus», explique le commissaire divisionnaire Magali Caillat, directeur adjoint de la PJ de Lille. Un trafic intense, avec un à deux cambriolages par semaine, - les cinq écroués ont avoué 20 pillages depuis mai - des équipées nocturnes pouvant les conduire à faire plusieurs centaines de kilomètres et «un écoulement des marchandises immédiat», relève Émilie Ngasho Mpanu, chef de la circonscription de sécurité publique d'Arras.
Les pays baltes, les États-Unis et la Belgique, «fans de ce business»
Le réseau servirait à fournir les particuliers amateurs d'œuvres religieuses et d'objets du culte, des collectionneurs, des brocanteurs ou des hôtels des ventes partout sur le territoire national mais aussi à l'étranger. Les pays baltes et les États-Unis seraient particulièrement «fans de ce business», dit un enquêteur. Quant à la Belgique, proche du Nord-Pas-de-Calais, elle semblerait être une plaque tournante du trafic depuis plusieurs années. Là-bas, la démolition et la revente des églises galvanisent la loi de l'offre et de la demande de ce marché d'art spécifique, même si «le pays s'en défend et joue les vierges effarouchées», dit une source policière française, spécialiste de ces réseaux.
Jean, un retraité belge converti à la brocante, cache à peine l'origine de son fonds de commerce. Exilé dans un petit village du centre de la France, il multiplie les allers-retours avec la Belgique d'où il rapporte reliques, statues de saints géantes, bannières de procession, mobilier liturgique, chapiteaux romans et autres ornements architecturaux. Une caverne d'Alibaba sans vitrine, dans une grange au fond du jardin, qu'il écoule auprès des «brocs du coin» et de sa clientèle internationale sur Ebay. «Les autorités ecclésiales belges abandonnent le patrimoine religieux en vendant les églises et tous leurs biens à des chaînes hôtelières ou des promoteurs immobiliers qui les détruisent, alors autant les sauver du massacre et contenter les collectionneurs qui, eux, les respectent», justifie-t-il.
Arrêtés lors d'un flagrant délit près de Cambrai
Les cinq hommes écroués ont la quarantaine. Ils résident dans la région d'Arras, excepté le «cerveau», qui en est originaire mais habite Narbonne et vient de la communauté des gens du voyage, précisent les policiers.
L'étau s'est refermé sur eux dans la nuit du 12 au 13 novembre, avec un flagrant délit dans l'église de Croix-de-Caluyau, près de Cambrai (Nord). Entrés par effraction en cassant des vitraux, ils avaient subtilisé ce soir-là 8 statuettes et deux lustres.